Sophie Binet. Les 32 heures sont la seule réforme crédible pour créer de l’emploi
Par Sophie Binet, dirigeante de la CGT en charge de l’égalité femmes-hommes. Source : L’Humanité
« Je mettrais en œuvre la réduction du temps de travail à 32 heures par semaine, car c’est la seule réforme crédible pour créer de l’emploi. Et elle est très peu coûteuse : alors que le pacte de responsabilité a coûté 40 milliards d’euros, soit deux points de PIB, sans que la contrepartie du million d’emplois promis par le Medef n’ait été au rendez-vous, les 35 heures ont coûté moins de 2 milliards d’euros, pour 400 000 emplois directs créés, au minimum.
C’est aussi une réforme indispensable parce que la révolution numérique va générer des gains de productivité de 20 à 40 % en fonction des secteurs : sous dix ans, selon certaines études, 3 millions d’emplois pourraient être supprimés. On va donc travailler moins, c’est une bonne nouvelle, à condition qu’on l’organise collectivement sans baisse de salaire, avec la réduction du temps de travail comme outil de répartition des richesses.
C’est enfin une réforme indispensable pour l’égalité femmes-hommes. Premier facteur explicatif des inégalités professionnelles, le temps des femmes est très différent du temps des hommes. Assumant toujours 80 % des tâches ménagères, les femmes sont confrontées à des doubles journées et 30 % d’entre elles sont enfermées dans des emplois à temps partiel, pour l’essentiel subi. Pour les femmes cadres, c’est le plafond de verre : l’impossibilité d’avoir une carrière comme d’accéder aux responsabilités, et une pression permanente. La campagne « #VieDeMère, avoir une carrière c’est toute une histoire » a permis de briser un tabou et de dévoiler l’ampleur de ces discriminations.
Alors, gagner l’égalité, est-ce aligner le temps de travail des femmes sur celui des hommes, 44 h 30 en moyenne pour les cadres ? Ou réduire le temps de travail pour permettre aux hommes comme aux femmes d’avoir du temps libéré pour leur parentalité et leurs loisirs ? Baisser la durée légale de travail à 32 heures et l’accompagner de politiques publiques de prise en charge de la petite enfance et de lutte contre les stéréotypes, c’est rapprocher le temps des femmes et celui des hommes. »