Restructuration ST – Avis CGT au CSE Central du 22 juillet 2025
AVIS DÉFAVORABLE
Recueil d’avis sur les volets 1 et 2 du projet d’entreprise annoncé le 30 janvier 2025
(suite aux réunions d’information des 11 février, 21 mars, 10, 11 et 29 avril, 26 mai,
11 et 12 juin et 3 juillet)
En préambule, nous rappelons succinctement les avis ou déclarations des sites français. Au CSE de Grenoble, la CGT a déclaré que le CSE ne peut pas se considérer comme informé de quoi que ce soit sans aucune information sur les plans stratégiques et industriels des responsables des divisions. Aux CSE de Crolles, Tours et Rousset, consultés sur le volet 2, toutes les organisations syndicales dénoncent dans leur avis respectif, le manque d’informations transmises et les différents risques liés au projet d’entreprise. A l’unanimité les avis sur le projet d’entreprise sont défavorables.
Nous rappelons également le procédé déloyal de la direction de démarrer une négociation GEPP en même temps que la procédure d’information-consultation de
cette restructuration qui s’accompagne de délocalisation et de fragilisation de l’outil industriel, de suppressions d’emplois sur le sol français et de risques psycho sociaux organisationnel accrus.
Nous relevons que, pour les acteurs institutionnels que nous avons rencontrés, notamment pour le ministère de l’Industrie et la BPI, la signature de la GEPP par 3
syndicats représentatifs sur 4 donne l’illusion que tout serait bien maîtrisé à STMicroelectronics avec une stratégie précisément établie et que le plan de
restructuration serait largement accepté par les salariés.
Or, nous observons que malgré leur signature de l’accord GEPP en Central, les syndicats signataires critiquent aujourd’hui ouvertement ce projet de restructuration dans les CSEs locaux de Tours, Crolles, Rousset et Grenoble. Tous les syndicats locaux émettent une grande défiance quant au projet industriel. Cette restructuration n’est comprise ni par les salariés, ni même par les managers, quel que soit le niveau interrogé. Une défiance et un rejet se font même sentir parmi certains responsables. Ce constat est également partagé et relevé par l’expert Secafi dans son rapport et en séance.
La CGT regrette d’avoir été bien seule tout au long de la procédure lorsqu’à maintes reprises, elle a adressé ses nombreuses questions à la direction restées lettre morte par manque de soutien ; lorsqu’elle a refusé de voter l’expertise le 29 avril 2025 pour manque d’informations et lorsqu’elle a refusé de signer la GEPP qui n’est qu’une mesure d’accompagnement de la restructuration.
Ce 22 juillet 2025, le CSEC doit maintenant rendre un avis sur le projet d’entreprise
annoncé le 30 janvier 2025 par Jean-Marc Chéry et qui sera déployé jusqu’en 2027, alors que très peu d’informations précises et écrites ont été transmises par la direction de ST, permettant au CSEC de rendre un avis éclairé et motivé.
- Sur le plan stratégique
La stratégie ne nous a pas été présentée et nous ne connaissons pas la roadmap « technologie » et la roadmap « produits », qui permettront d’atteindre un chiffre d’affaires de 18 Md$ en 2028 et 20 Md$ en 2030.
- Sur le plan économique
Nous n’avons pas le détail des économies de coûts annuelles pour la France, par site, par organisation et par catégorie OPEX/Manufacturing par rapport au montant monde de 300 à 360 M$.
Ensuite, nous n’avons pas d’informations sur les économies visées et sur les coûts estimés par l’arrêt et par le transfert des activités, sur les aides publiques et leurs montants dont a bénéficié chaque activité.
Enfin, concernant les nouvelles activités prévues sur les sites de Crolles et de Tours, nous n’avons pas non plus d’informations permettant d’émettre une opinion, comme par exemple les investissements prévus, leur temporalité ou les business plan associés.
- Sur le plan industriel
L’échéancier global et détaillé par site concernant les arrêts d’activité et les nouvelles
activités n’a pas été communiqué. L’impact de ces activités qui s’arrêtent ou qui
débutent sur le nombre de salariés par site, par catégorie de personnel reste une
inconnue.
- Sur le plan social
Le projet d’entreprise prévoit pour la France 1000 suppressions d’emplois et 2800
mobilités internes, mais nous ne savons pas sur quoi se basent ces chiffres et quelle est
la ventilation par site, par organisation.
D’autre part, pour les sites dont des activités vont s’arrêter, selon le rapport de l’expert
présenté en CSEC le 3 juillet 2025, 1250 salariés sur 4800 à Crolles et 114 salariés
opérateurs sur 1303 à Tours seraient directement impactés par l’arrêt d’activités.
L’expert n’ayant pas pris en compte toutes les fonctions supports, de développement,
R&D, de planning, etc, nous jugeons que ces chiffres sont très largement sous-estimés.
De son côté, la direction n’a pas voulu confirmer ou infirmer ces chiffres. Et elle n’a pas
non plus voulu préciser combien d’emplois seraient nécessaires pour les nouvelles
activités, et quel serait le besoin en emplois à horizon 2027 pour les activités
maintenues.
Enfin, la direction n’a pris aucun engagement de proposer un emploi aux salariés
directement impactés par l’arrêt d’activités, comme la loi l’y oblige en tant
qu’employeur.
- Sur le plan santé, sécurité et conditions de travail
La direction n’a présenté aucune évaluation des Risques Psychosociaux
Organisationnels, aucune évaluation de la charge de travail pour les salariés OPEX et
Manufacturing, qui vont devoir gérer, en parallèle de leurs activités courantes, toutes les
activités d’arrêt et de transfert d’activités, sur lesquelles nous voyons déjà émerger une
très forte pression.
Aucune évaluation des risques chimiques, notamment sur le site de Crolles Seveso
seuil haut, n’a été communiquée.
- Sur le plan environnemental
La direction n’a présenté aucune évaluation impact environnemental du projet de
restructuration. Nous n’avons pas de données sur le bilan carbone, sur le bilan
énergétique, sur le bilan hydrique, sur le bilan PFAS, sur la dépollution à mettre en
œuvre du fait de l’arrêt d’activités et du démantèlement des outils de production.
Ainsi, sur tous les plans, les membres du CSEC ne disposent pas d’informations
précises, concrètes, et écrites. Et cette obstruction volontaire de la direction
caractérise clairement une entrave au mandat d’ordre public des membres du
CSEC et aux règles légales d’information-consultation.
Malheureusement, comme le souligne aussi l’expertise, ce projet de
restructuration ne semble pas avoir d’autre objectif que celle financière
d’améliorer la marge opérationnelle et indirectement la rente des actionnaires.
Ceci se fait au détriment de l’avenir de l’entreprise, sans prise en compte de
l’impact environnemental ni considération pour les emplois et la santé des
salariés.
- S’agissant de l’avenir de l’entreprise en France et en Europe
Jugeant comme stratégique le secteur des semiconducteurs, la Commission
Européenne a pour projet de doubler la capacité de production de composants
électroniques en Europe à horizon 2030, et pour ce faire, elle a notamment validé en
2023 le projet Liberty (investissement de 7,5 Md€ dont jusqu’à 2,9 Md€ d’aides
publiques de l’Etat français) ! Or, avec la restructuration voulue, nous voyons
que STMicroelectronics va réduire ses capacités de production en France pour les
délocaliser principalement tout ou partie en Asie, ce qui va à l’encontre du projet
européen.
Par ailleurs, STMicroelectronics va également réduire ses effectifs, dans toutes les
organisations et notamment en R&D, alors que chaque année, ST bénéficie de plus de
100 M€ de CIR (Crédit Impôt Recherche). Ce choix incompréhensible et contestable
aura indéniablement pour conséquence de diminuer l’offre de STMicroelectonics en
nouveaux produits, en nouveaux développements technologiques, alors que c’est
indispensable pour gagner des parts de marché et maintenir la croissance de
l’entreprise.
- S’agissant de l’impact sur l’environnement
Ce ne sont pas des déclarations d’intention ou de belles promesses que nous exigeons
mais une démonstration avec chiffres à l’appui, plan d’investissement dédié, calendrier
d’application et méthodologie appliquée.
Si nous reprenons les problèmes soulevés depuis plusieurs mois : consommation
massive de l’eau potable sur le site de Crolles et de Tours, pollution au PFAS pour ses 2
sites, nous ne savons pas quels vont être leurs évolutions, dans le cadre du projet de
restructuration, notamment du fait de l’augmentation de la production sur Crolles 300
qui aura un impact important et croissant sur le besoin en eau.
Nous savons que la délocalisation de la production GaN de Tours et la montée en
volume de la production du SIC sur le site de Catane va faire exploser le besoin en eau
pour cette île, déjà soumise au stress hydrique. Et, nous apprenons par nos collègues,
que ST a prévu de ne plus utiliser uniquement l’eau industrielle fourni jusqu’à présent
sur le site de Catane mais de puiser aussi (gratuitement) dans la nappe. Pour les 2 sites
en développement, aucun plan pour permettre un recyclage (reclaim) de l’eau à hauteur
de 60% (target technique donné par STMicroelectronics) n’a été présenté. Pour rappel,
sur le site de Crolles, l’eau du reclaim ne représente que 2% de la consommation.
- S’agissant de l’impact sur la santé des salariés
La direction de STMicroelectronics impose une restructuration brutale, supprimant
l’activité de plusieurs centaines de salariés et obligeant plusieurs milliers d’autres à «
transitionner » sans vraiment savoir, ce que cela veut dire. Les salariés ne savent
toujours rien de leur avenir collectif et individuel. Il est répété à l’envie par la direction
que les salariés ne seront obligés de rien par la sacro-sainte protection du volontariat.
La CGT n’est pas non plus naïve et sera vigilante !
Le flou est parfaitement entretenu par la direction, ne faisant qu’empirer une situation
anxiogène pour les salariés. La direction prétend être à l’avant-garde de la lutte contre
les risques psychosociaux alors qu’elle en est massivement à l’origine.
La CGT considère que la direction manque à ses obligations de prévention de la santé
des salariés et, c’est dans ce contexte, qu’elle a initié un questionnaire anonyme tentant
d’évaluer l’état psychologique des salariés.
Au vu des résultats alarmants, la CGT a alerté la direction le 3 juillet 2025 en réunion
extraordinaire du CSEC, sur le fait que 8 salariés avaient répondu « Oui, de manière
préoccupante », à la question « Avez-vous déjà eu des pensées noires ou des idées liées
à une détresse psychologique (isolement, envie de tout quitter, épuisement émotionnel,
etc.) ?”.
Or, depuis nous n’avons reçu aucun retour de la direction sur la prise en compte de
cette alerte et les actions mises en œuvre.
Pour conclure. La CGT est totalement défavorable au projet de restructuration, qui est
un gâchis industriel, une occasion encore mise de côté par STMicroelectronics de traiter
la question environnementale et une casse sociale majeure. Mais, par-dessus tout,
cette restructuration est un scandale politique !
Délocaliser et supprimer 1000 emplois alors que STMicroelectronics va recevoir jusqu’à
2,9 Md€ d’aides publiques pour augmenter sa capacité de production et créer 1000
emplois, cela ne semble pas déranger Monsieur Ferracci, ministre de l’Industrie et
Monsieur Nicolas Dufourcq, directeur général de la BPI, qui ont apporté publiquement
leur soutien à la restructuration en projet. Mais suivant la tournure que va prendre la
restructuration, chacun devra répondre de sa responsabilité.
La CGT demande :
- Le retrait du projet d’entreprise et une étude approfondie pour une stratégie
ambitieuse garantissant innovation, croissance et création d’emplois en France ;
A défaut : - La production d’un diagnostic RPSO, d’un volet environnemental et d’un plan de
protection des publics vulnérables ; - La transmission au CSEC du cahier des charges LHH ;
- Une expertise évaluant la stratégie de l’entreprise et tous ses impacts, avec au
préalable la prise en compte de toutes les questions des OS et la transmission
de toutes les informations par la direction ; - La mise en place d’un suivi tripartite mensuel par site avec construction
collective des indicateurs de suivi (CSE – Direction – Experts) - Le respect des obligations légales en matière d’obligation d’emploi, de santé, de
sécurité, et de consultation du personnel.