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La CGT ne participera pas au Conseil National de la Refondation, voulu par Macron

Courrier de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, adressé le 5 septembre 2022 à Emmanuel Macron

Monsieur le Président de la République,

Nous avons bien reçu votre courrier nous invitant à participer, le 8 septembre, à une réunion
pour la mise en place d’un Conseil National de la Refondation.

Vous poursuivez la démarche qui est la vôtre depuis 5 ans consistant à nous convoquer dans
des délais extrêmement courts sans en détailler le périmètre, les participants conviés, les
modalités et la forme, ni les attendus de cette réunion. Cela se fait sans contact préalable avec
vos conseillers ou le secrétariat général de l’Elysée. Ce sont des pratiques qui indiquent
clairement un manque de respect vis-à-vis des organisations syndicales.

Les initiales CNR, ont plus qu’une portée symbolique pour la CGT. Le Conseil National de la
Résistance auquel des dirigeants de la CGT ont largement participé, a permis d’élaborer un
programme, qui portait le nom « Les jours heureux», durant l’occupation nazie de la France et
sa mise en œuvre dès la libération. Ce programme ne fut pas seulement une réponse au
fascisme et à la collaboration du gouvernement de Vichy mais bien le symbole de la résistance.
II fut construit, effectivement dans un cadre d’unité nationale sur la base d’avancées sociales
considérables dans la suite du front populaire telles, la sécurité sociale et la retraite, la création
des comités d’entreprise et de leurs prérogatives, la nationalisation d’entreprises industrielles
comme RENAULT ou de l’électricité et du gaz, de la Banque de France et de grandes compagnies
d’assurances, le statut de la fonction publique pour n’en citer que quelques-unes. L’énoncé de
ces mesures, et les lois qui en découlent, sont aux antipodes du programme que vous portez
depuis 2017 et des lois que vous avez mis en œuvre. L’utilisation du sigle CNR ressemble à de
l’usurpation sociale et historique, à de la communication dont nous ne pouvons être dupes .

Par ailleurs, nous refusons de siéger aux cotés de représentants d’extrême droite, de surcroit
sous l’égide d’un CNR, car oui à la CGT, nous sommes toujours aussi déterminés à lutter partout
contre les idées d’extrême droite, nous ne nous résoudrons jamais à désigner un peuple, une
ethnie ou une religion comme responsable de tous les maux.

De plus, l’expérience de ces dernières années nous a montré que votre volonté d’écoute,
maintes fois répétée, ne s’est jamais concrétisée. Les mots « concertation », « dialogue social»
nécessitent la prise en compte de la diversité d’opinions et de propositions alternatives. Nous
avons pu vérifier à maintes reprises que malgré l’opposition unanime du mouvement syndical
à certaines réformes comme l’assurance chômage par exemple vous êtes passé outre. Cela a
encore été le cas cet été lors de la loi sur le pouvoir d’achat où la question des salaires a été
purement ignorée du texte malgré nos multiples propositions.

Nous le constatons également lors des multiples conflits sociaux portant sur des questions
sociales ou d’avenir industriel où l’état et ses représentants refusent d’intervenir et laissent la
main libre au pouvoir des grands groupes et de la finance.

Force est notamment de constater d’ailleurs que les politiques publiques, n’ont rien à envier
aux stratégies du CAC 40 avec la casse des services publics, les suppressions massives de postes
de fonctionnaires à l’image de l’hôpital public ou de l’éducation nationale, créant ainsi des
déserts dans de nombreux territoires et un sentiment justifié d’abandon pour de nombreuses
populations.

Le véritable antidote à la crise démocratique réside dans la capacité de votre gouvernement à
prendre en compte les aspirations des citoyennes et des citoyens, à s’attaquer aux inégalités.
D’autres en ont fait l’expérience à l’occasion du grand débat et des cahiers de doléances ou
encore lors de la convention citoyenne pour le climat.

Il existe par ailleurs des institutions, le CESE au niveau national, les CESER au niveau régional,
qui ont toute légitimité, par leur composition, pour analyser et proposer des solutions
alternatives à de nombreux problèmes. Rarement, les rapports proposés par la 3ème chambre
de la République, ont fait l’objet d’une prise en compte législative. Au contraire, la dernière
réforme que vous avez initiée et mise en œuvre a considérablement modifié les prérogatives
du CESE, faisant en sorte qu’il soit un outil au service du pouvoir exécutif, le privant encore plus
de son autonomie d’actions et de prospectives.

Faut-il vous rappeler que la CGT a fait des propositions afin de mieux coordonner les travaux
du CESE avec ceux du Sénat et de I’Assemblée nationale avec là encore, une surdité totale du
gouvernement.

Enfin, vos récentes déclarations sur la fin de l’abondance ont particulièrement indigné des
dizaines de millions de personnes. D’une part, celles qui vivent sous le seuil de pauvreté parce
que privées d’emplois, précaires, retraitées ou salariées pauvres, se sont senties blessées d’être
mis au niveau de quelques milliardaires. D’autre part, l’inaction des gouvernements successifs
sur le dérèglement climatique comme la casse des services publics, des transports publics, la
libéralisation du marché de l’énergie ou la poursuite des délocalisations industrielles, ne peut
être imputée à la responsabilité de la population. II n’est pas possible de toujours demander
plus de sacrifices à celles et ceux qui subissent déjà au quotidien, les conséquences du
dérèglement climatique.

Notre démocratie a certes besoin d’évoluer afin que l’avis des citoyens dans la cité comme dans
les entreprises, soit mieux pris en compte. Mais des outils existent déjà pour la faire progresser.
li faut avant tout en avoir la volonté politique.

Pour toutes ces raisons, nous ne participerons pas à votre réunion, le 8 septembre à l’Elysée.
Plus que des mots, des sermons à l’encontre des citoyens et citoyennes visant souvent à les
culpabiliser, nous attendons des actes, qui répondent aux urgences sociales et
environnementales, aux attentes du monde du travail et de la jeunesse, exprimées dans les
mouvements sociaux, ou les marches pour le climat.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de mes
respectueuses salutations.

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT